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INONDATIONS, TERRITOIRES RÉSILIENTS ET VILLES DE DEMAIN

Par Yves MASSOT à Tours le 30 octobre 2019 

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Définition : En géographie et en aménagement du territoire, la notion de résilience désigne la capacité des villes à limiter les effets des catastrophes et à retrouver le plus rapidement possible un fonctionnement normal.

Les faits sont têtus : certaines catastrophes restent inexorablement inscrites dans la mémoire collective comme étant les plus meurtrières ; Vaison-la-Romaine, le Grand-Bornand et la tempête Xynthia. Toutes ces inondations ont plusieurs points communs : un manque flagrant de vigilance et de prévoyance, une sous-estimation des lois de la nature et de la physique et une urbanisation non maîtrisée.

 

Un rappel historique des principales catastrophes est nécessaire !

  • Le 15 octobre 1987, une tempête d’une extrême violence frappe la Bretagne et le Cotentin avant d’atteindre les îles britanniques. Elle fait 34 victimes, dont 15 en France. Les dégâts sont estimés à 23 milliards de francs en 1987

  • Le Grand-Bornand : Une crue éclaire du Borne, à la suite de l’orage diluvien du 14 juillet 1987, a fait 23 morts, dont 2 disparus. Le plan de prévention des risques était en cours d’élaboration et le plan d’urbanisme n’avait pas pris en compte de possibles débordements. Au bout de 10 ans de procédure, la cour d’appel de Lyon a reconnu le caractère prévisible de la catastrophe. L’état et la commune ont été condamnés à indemniser les victimes.

  • Vaison-la-romaine : Le 22 septembre 1992, la crue de l’Ouvèze consécutive à de violentes pluies a entraîné la mort de 38 personnes et 4 disparus. Les experts, dont Haroun Tazieff, sont unanimes pour considérer que l’urbanisation autour de la vieille ville relève d’une politique imprudente dans des zones à risques et répertoriées comme telles.

  • La Tempête des 26, 27-28 décembre 1999 causent la mort de 92 personnes avec des rafales atteignant 198 km/h sur la façade atlantique. Les trois quarts du territoire français sont placés en état de catastrophe naturelle.

  • La canicule du 1er au 20 août 2003, en plus d’avoir asséché les lacs, a fait environ 15 000 morts (30 000 dans toute l’Europe).

  • Automne 2014, 30 morts dans des crues violentes et rapides. Tout le sud de la France, des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes, a été touché par une quinzaine d’épisodes d’inondations.

  • Xyntia : Cette dépression météorologique a causé la mort de 29 personnes à la Faute-sur-mer en Vendée. Le 12 décembre 2014, le tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne condamne le maire à 4 ans de prison ferme, son adjointe à 2 ans ferme et 75 000 € d’amende. La cour d’appel de Poitiers requiert 4 ans de prison pour le maire dont 2 ans ferme et 2 ans pour son adjointe dont 15 mois ferme.

  • Tempete Alex : un déluge historique s'abat sur les Alpes maritimes faisant 10 morts et 8 disparus. Plusieurs mois de précipitations se sont abattus sur ce département. Les pluies diluviennes qualifiées d'historiques par les autorités se sont abattues principalement sur les hauteurs du département, atteignant localement au moins 400 mm. Les dégâts matériels sont énormes et ont privé 8000 foyers d'électricité.

  • Le 15 juillet 2021, des pluies diluviennes s'abattent sur le nord de l'Allemagne et sur la Belgique faisant plus de 150 morts et des centaines de disparus. Les dégâts sont difficilement estimables tellement cette catastrophe a été violente et soudaine. Pour stigmatiser cet évènement, vous trouverez à la fin de cet article une des photos qui démontrent l'ampleur de ce désastre. Dans le même temps à l'autre bout de la planète, une canicule sans précédent sévit et entraîne sécheresse et incendies spectaculaires et dévastateurs.​

 

Dérèglement climatique : Voilà pour les catastrophes les plus importantes de ces dernières années, mais malheureusement, il y en a eu bien d’autres et ce n’est que le début. Chaque fois qu’il est nécessaire, il faut analyser les faits sans maugréer contre la météo, éviter de se retrancher derrière la fatalité climatique ou penser que la reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle va soigner tous les maux. Nous sommes irrémédiablement confrontés à un dérèglement climatique et ce phénomène va s’accélérer, déclenchant d’autres types de perturbations (la séceresse prolongée augmente le risque d'incendie).

Les directives européennes : À voir comment de grandes villes comme Prague, Dresde, Cologne, Breslau, Varsovie et d’autres ont perdu en termes de compétitivité économique à la suite des inondations des années 1990 à 2002, la Commission européenne a demandé à chaque état de mettre en œuvre une directive sur la prévention et la gestion des conséquences négatives des territoires, au nom de l’attractivité et de la compétitivité de l’Europe.

La réglementation : Les différentes réglementations thermiques (RT), et en particulier celle de 2012, ont eu pour effet d’améliorer les performances énergétiques des bâtiments, mais aussi d’augmenter les coûts de la construction. Il en est de même pour la réglementation de la protection incendie ou de l’accessibilité desPersonnes à Mobilité Réduite (PMR) dans les Établissements Recevant du Public (ERP). Il va falloir inexorablement prévoir des surcoûts pour les nouvelles constructions érigées sur les Territoires à Risque important d’Inondation (TRI). Pour ce faire, une révision du Plan Local de l’Urbanisme (PLU) s’impose et des décisions audacieuses et courageuses sont à prendre.

Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets : 

1- Les causes : Le débordement direct d’un cours d’eau de son lit majeur (fortes pluies, fontes des neiges) est la principale catastrophe que tout le monde redoute. Le débordement indirect à la suite de la remontée des nappes phréatiques est plus sournois, car souvent imprévisible, l’urbanisation galopante provoque un bétonnage et un goudronnage généralisé imperméabilisant les sols et accentuant considérablement les risques d’inondation. La conception urbanistique actuelle ne permet pas de lutter contre cette situation et l'évacuation des eaux pluviales est encestrale et inadaptée.  

2 - Les effets : Les pluies diluviennes qui se sont abattues ces derniers jours sur la France et leurs conséquences doivent nous contraindre à repenser notre conception urbanistique, l’écologie urbaine, toutes les procédures liées aux risques d’inondation, l’entretien des cours d’eau (dépôts sédimentaires, berges, embâcles, végétalisation, déchets, enrochement des berges extérieures des méandres, etc.) la perméabilité du sol, l’assainissement et la gestion des eaux pluviales, la responsabilité et le contrôle des syndicats gestionnaires des cours d’eau des bassins versants.

3 - Les remèdes préventifs et défensifs : Pour les inondations, l’endiguement est une protection ancestrale réputée comme efficace. Malheureusement, l'état des digues* laisse souvent à désirer et en cas de rupture, le remède risque d’être plus grave que le mal. Des établissements spécialisés comme l’Établissement Public Loire (EPL) aide les collectivités locales, les entreprises et les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à bien gérer la prévention des inondations sous forme de diagnostics et préconisations. 

La minéralisation à outrance des centres-villes augmente ce phénomène sans pour autant gérer, contrôler, et améliorer l’évacuation des eaux.

 

Les eaux pluviales : la gestion des eaux pluviales nécessite de travailler à plusieurs niveaux : le ruissellement, le stockage pour des utilisations diverses, la régulation de l’évacuation et la captation des déchets et polluants. À l’instar de ce qui se pratique pour les réseaux de gaz, la tuyauterie représente une certaine capacité de stockage temporaire. Dès la conception ou la rénovation, il ne faut pas hésiter à surdimensionner le diamètre des conduites. Certaines villes ont innové en réalisant une gestion centralisée des eaux pluviales (vannes à guillotine, bassins de rétention, maillage, réseau de capteurs, assistance informatisée pour réguler l’évacuation des eaux pluviales, caméras, filtration, décantation, etc. Toutes les solutions seront mises en œuvre pour empêcher l’inondation et en cas d’échec ou d’impossibilité, il faut se préparer à en minimiser l’impact et à optimiser la remise en route des installations et de l’activité en utilisant un protocole d’interventions.

La loi GEMAPI : La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 donne désormais compétence aux EPCI, à compter de janvier 2018, de gérer l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique, l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau, la défense contre les inondations et les raz de marée et la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines. 

La taxe Gémapi est une taxe additionnelle aux impôts locaux (taxe d’habitation, foncière, etc.). En application des dispositions de l’article 1530 du CGI, les communautés de communes ou métropolitaines peuvent lever cet impôt ; cette mesure reste facultative. Les ressources correspondantes sont affectées exclusivement aux dépenses de fonctionnement et d’investissement du ressort Gémapi. Compte tenu de cette possibilité, les élus sont désormais contraints de prendre toutes les dispositions qui s’imposent en termes d’inondation ou de mesures écologiques pour leur territoire.

L’hydrologie, les écosystèmes et les élus locaux : Pour bien comprendre les phénomènes, anticiper les risques et prendre les mesures adaptées, il faut avoir des notions de base en hydraulique et plus généralement sur la mécanique des fluides. Les phénomènes écologiques ne s’inventent pas non plus et il faut bien appréhender les interactions dynamiques entre les êtres vivants et leur milieu appelé biotope. Une formation des élus sur les principes fondamentaux sur ces questions est indispensable pour avoir une excellente maîtrise des sujets traités, conduire une véritable politique de gestion de projets, mettre les budgets en place et les faire voter, enclencher les actions au moment opportun et vérifier l’efficacité. Inversement, soit les décisions ne sont pas prises soit elles ne sont pas adaptées à la situation.

L’innovation et la veille technologique : La mise en commun des bonnes pratiques et des expériences sera de nature à optimiser les solutions à mettre en œuvre en fonction des spécificités du territoire. Voilà un chantier pour des organismes comme France Urbaine. À partir d’une veille organisée et méthodique, il s’agit d’établir des rubriques et des fiches techniques (actions) décrivant les installations pour équiper la ville de demain. La smart city offre des possibilités novatrice et nous aurons l'occasion de développer cette nouvelle approche de l'équipement des villes, métropoles et mégalopole dans un prochain article.

Indicateurs : Selon l'Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), les indicateurs trouvent leur intérêt dans la vulnérabilité selon sept rubriques à savoir : physique, environnementale, économique, sociale, sanitaire, culturelle et institutionnelle. Certains organismes gèrent des indicateurs de leur spécialité. Pour obtenir une administration dynamique, il convient, dans le cadre de l'Open Data, de construire une application ad hoc et récupérer les données là où elles se trouvent, de créer celles qui n'existent pas et d'administrer l'historique. 

Conclusions : L'assainissement et les eaux pluviales sont en règle générale gérés par les communautés de communes ou les métropoles. Malheureusement, ces thématiques attirent peu d'élus et c'est bien regrettable, car comme on vient de le voir, elles renforcent le confort et la sécurité de nos concitoyens, protègent le bâti et les équipements tertiaires et industriels. Pour s'en convaincre, il suffit d'avoir vécu une seule fois dans sa vie, une inondation.

* Définition de la digue selon "France Digue": un ouvrage continu longitudinal par rapport au sens de l'écoulement de l'eau, généralement de grande longueur, surélevé par rapport au terrain naturel et destiné à s'opposer au passage de l'eau ou à la canaliser. Chaque digue est divisée en tronçons relativement homogènes.

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