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INONDATIONS, ET VILLE RÉSILIENTE

Par Yves MASSOT à Tours le 30 octobre 2019 

et mis à jour le 10 août 2021

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Pour la fourmi, la rosée est une inondation

Proverbe indien

 

Définition : La résilience urbaine est la capacité d’une cité et de ses habitants à limiter les effets d’une perturbation et à récupérer ses fonctions aussitôt après. Actuellement, 50 % de la population vit dans les villes, les métropoles et les mégapoles. Selon les prévisions, ce pourcentage pourrait atteindre 70% en 2050. Un tiers des Français réside dans des zones inondables. L’aménagement du territoire doit prendre en compte et appliquer les différentes réglementations en la matière.

Les faits sont têtus : Des intempéries dévastatrices restent inexorablement inscrites dans la mémoire collective comme celles de Vaison-la-Romaine, le Grand-Bornand ou la tempête Xynthia. Toutes ces inondations ont plusieurs points communs : un manque flagrant de vigilance et de prévoyance, une sous-estimation des lois de la nature et des principes fondamentaux de l’écoulement des fluides, et enfin une « urbanisation non maîtrisée », voire anarchique.

 

Rappel historique des principales tragédies !

  • Le 15 octobre 1987, un ouragan d’une extrême violence frappe la Bretagne et le Cotentin avant d’atteindre les îles britanniques. Elle fait 34 victimes, dont 15 en France. Les dégâts sont évalués à 23 milliards de francs.

  • Le Grand-Bornand : Une crue éclaire du Borne (1), à la suite de l’orage diluvien du 14 juillet 1987, fait 23 morts. Le plan de prévention des risques était en cours d’élaboration, mais le PLU (2) n’avait pas tenu compte de possibles débordements. Au bout de 10 ans de procédure, la cour d’appel de Lyon a reconnu le caractère prévisible de ce cataclysme. L’état et la commune sont condamnés à indemniser les victimes.

  • Vaison-la-Romaine : Le 22 septembre 1992, la crue de l’Ouvèze consécutive à de violentes pluies a entraîné la mort de 38 personnes et 4 disparus. Les experts, dont Haroun Tazieff, sont unanimes pour considérer que l’urbanisation autour de la vieille ville relève d’une politique imprudente dans des zones à risques et répertoriées comme telles.

  • La tempête des 26, 27 et 28 décembre 1999 cause le décès de 92 habitants avec des rafales de 198 km/h sur la façade atlantique. Une grande partie du territoire français se retrouve classé en état de catastrophe naturelle.

  • La canicule du 1er au 20 août 2003, en plus d’avoir asséché les lacs, a fait 15 000 victimes en France et 30 000 dans toute l’Europe.

  • À l’automne 2014, 30 résidents périssent dans une quinzaine d’épisodes d’inondation dans le sud de la France (des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes).

  • Xyntia : Cette dépression météorologique a causé la mort de 29 personnes à la Faute-sur-Mer en Vendée. Le 12 décembre 2014, le tribunal de grande instance (3) des Sables-d’Olonne condamne le maire à 4 ans de prison, et son adjointe à 2 ans et 75 000 € d’amende. La cour d’appel de Poitiers confirme le jugement dans son principe, mais allège quelque peu la sanction.

  • Tempête Alex : un déluge mémorable s’abat sur les Alpes Maritimes et fait 11 morts et 9 disparus. Plusieurs semaines de pluies diluviennes, qualifiées d’historiques par les autorités, se sont déversées principalement sur les hauteurs. Huit mille foyers seront privés d’électricité et les dommages matériels s’élèvent à 210 millions d’euros.

  • Le 15 juillet 2021, des averses tombent sur le nord de l’Allemagne et sur la Belgique et font plus de 150 victimes et des centaines de disparus. Les dégâts sont difficilement estimables tellement ces déluges ont été violents et soudains. Dans le même temps, à l’autre bout de la planète, une canicule sans précédent sévit et entraîne une sécheresse historique et des incendies spectaculaires et dévastateurs.​

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1 - Le Borne est une rivière, affluent de l’Arve en rive gauche, et qui coule dans le département de la Haute Savoie. Son bassin versant est de 100 km2, sa longueur de 33km et son débit moyen est de 3,14 m3 à Saint-Jean-de-Sixt. Ces données géographiques sont intéressantes et permettent de mieux comprendre les évènements.

2 - PLU = Plan Local d’Urbanisme

3 - À compter du 1er janvier 2020, les tribunaux d’instance et de grande instance sont regroupés en une juridiction unique : le tribunal judiciaire.

 

Dérèglement climatique : Voilà pour les catastrophes les plus importantes de ces dernières années, mais malheureusement, ce n’est pas terminé. À chaque reprise, l’analyse des causes est nécessaire sans maugréer contre la météo, le mauvais sort, ou chercher des excuses pour mieux se cacher derrière son petit doigt. Dans bien des cas, la nature impose sa loi et ses droits et lutter contre ce principe est du ressort de la crétinerie et de l’irresponsabilité. Nous sommes résolument confrontés à un dérèglement climatique et ce phénomène va s’accélérer déclenchant d’autres perturbations comme les canicules, les incendies, les sécheresses, les déluges, les tempêtes, les ouragans, et différentes intempéries. Lorsque la chaleur et l’hygrométrie flirtent avec les extrêmes, l’évaporation due à la sueur ne suffit plus à refroidir le corps humain et entraîne le décès.

À la suite de graves inondations entre 1990 et 2002, de dramatiques retombées sociales, écologiques et économiques ont impacté les grandes villes européennes comme Prague, Dresde, Cologne, Breslau, Varsovie. C’est ainsi que la Commission européenne a demandé à chaque état de mettre en œuvre une directive sur la prévention et la gestion des conséquences négatives des territoires, au nom de l’attractivité et de la compétitivité de l’Europe.

Le débordement direct d’une rivière ou d’un fleuve de son lit majeur est la principale catastrophe que tout le monde redoute. La submersion par remontée de la nappe phréatique est plus sournoise, car souvent imprévisible, et la décrue est beaucoup plus lente. Lorsque son niveau dépasse le toit de l’aquifère (4), l’eau grimpe par capillarité et commence à investir les caves.

Tous ces évènements qui se sont abattus sur notre pays et leurs conséquences dramatiques doivent nous contraindre à reconsidérer une écologie urbaine en adéquation avec tous ces phénomènes car  la ville est un écosystème. Cette nouvelle manière de concevoir la cité doit améliorer la qualité de vie de ses habitants, leur santé physique et morale, et d’une façon plus globale, concilier toutes les espèces du monde du vivant.

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4 - Aquifère = terrain perméable, poreux, permettant l’écoulement d’une nappe souterraine et le captage de l’eau.

L’ingénierie hydraulique

1 — La loi de modernisation de l’action territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a créé une compétence exclusive et obligatoire au profit du bloc communal pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). Désormais, cette compétence s’étend également à l’aménagement et à l’entretien d’un bassin, d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris leurs accès, la défense contre les raz de marée et la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines. L’institution de la taxe GEMAPI nécessite la prise d’une délibération avant le 1er octobre pour une application l’année suivante. En application des dispositions de l’article 1530 du CGI (5), les élus peuvent lever cet impôt. Les ressources qui en découlent sont affectées exclusivement aux dépenses de fonctionnement et d’investissement du ressort de ladite loi.

2 — La digue (6) est une construction ancestrale efficace, mais en cas de rupture, la vague déferlante peut être dévastatrice comme un tsunami. L’entretien de ces ouvrages était précédemment de la compétence de l’état, mais va être décentralisé auprès des collectivités locales. Pour rappel, celles de Vendée ont cédé par conjonction de trois phénomènes : la tempête Xantia, les grandes marées à fort coefficient (102) et la marée haute.

3 — Les eaux pluviales : leur saine administration nécessite de travailler à plusieurs niveaux : le ruissellement, le stockage pour des utilisations multiples, la régulation de l’évacuation et la captation des déchets et polluants. À l’instar de ce qui se pratique pour la distribution du gaz, les tuyauteries représentent une indéniable capacité d’accumulation transitoire ; dès la conception ou la rénovation, leur surdimensionnement est préférable. Des villes ont innové et réalisé un pilotage centralisé informatisé constitué de vannes à guillotine, de bassins de rétention et de décantation, de maillage des réseaux, de capteurs, de caméras, de filtres, de stations et de pompes. Par mesure de précaution, l’élaboration d’un protocole d’intervention est à prévoir pour minimiser l’impact et optimiser le redémarrage des installations et de l’activité.

4 — L’hydrologie, les écosystèmes et les élus locaux : pour bien appréhender les circonstances, anticiper les risques et adopter les mesures appropriées, des notions de base en hydraulique et en mécanique des fluides sont nécessaires pour maîtriser les sujets traités. Comme c'est rarement le cas, les bureaux d'études arrivent à la rescousse et l'AMO (7) entre officiellement en action. Cette discipline ne passionne guère les élus ; en effet, les dossiers sont difficiles à régler, les circuits administratifs sont complexes, les opérations relèvent du temps long. Le résultat n’est pas très spectaculaire et finalement ces travaux ne sont pas de nature à fasciner l'électeur. 

Des institutions comme l’Établissement Public Loire (8) aident les EPCI (9) et les entreprises à bien diriger la prévention des inondations sous forme de diagnostics et de préconisations.

 

Entretien des cours d’eau : pour mémoire, l’article L.215-14 du code de l’environnement prévoit que l’entretien continuel a pour objet de garder le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de concourir à un état écologique honorable. L’imprécision de cet article me rappelle l’histoire du délai nécessaire pour refroidir le fut du canon : « un certain temps  ».

Les principales opérations de maintenance sont résumées dans les schémas ci-dessous produits par l'ONEMA (10), et se réalisent avec ou sans autorisation.

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5 - CGI = Code Général des Impôts

6 - Définition de la digue selon "France Digue" : un ouvrage continu longitudinal par rapport au sens de l'écoulement de l'eau, généralement de grande longueur, surélevé par rapport au terrain naturel et destiné à s'opposer au passage de l'eau ou à la canaliser. Chaque digue est divisée en tronçons relativement homogènes.

7 - AMO = Assistance à Maîtrise d'ouvrage

8 - EPL = Établissement Public Loire, anciennement EPALA, a été créé par Jean Royer et fédère tous les EPCI riverains de la Loire. Il gère avec EDF, les barrages de Naussac sur l’Allier et Villerest sur la Loire. Les dispositions de la loi GEMAPI et le transfert de la gestion des digues renforcent ses compétences et sa légitimité.

9 - EPCI = Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est le nom donné aux structures intercommunales dite également communauté de communes

10 - ONEMA = Office National de l’eau et des milieux aquatiques

Cette réglementation confuse laisse vraiment à désirer. Les embâcles, les roches et les déchets de tous ordres entravent l’écoulement des eaux. Les piles de ponts sont souvent très mal profilées et la hauteur des tabliers est la plupart du temps très insuffisante. Le nettoyage et le curage des lits ne se fait pas ou trop irrégulièrement. Les autorisations pour procéder à l’évacuation des sédiments amalgamés aux mauvais endroits sont difficiles à obtenir au motif que la nature doit faire son œuvre. La séparation des réseaux d’eaux pluviales et d’eaux usées est loin d’être terminée, ce qui à mon sens est scandaleux. Les herbes invasives deviennent un véritable fléau écologique et le coût de l’arrachage et de l’enlèvement est exorbitant.

SDAGE ET SAGE (11)

La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 décrète que l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation et crée le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et le Schéma d’Aménagement et des Gestion des Eaux (SAGE). Ce sont les outils d’une planification concertée de la politique de l’eau.

Le SDAGE est commun à l’ensemble du bassin hydrographique. Il contient les grandes orientations de la gestion de l’eau mais aussi des prescriptions techniques spécifiques applicables directement. Les SAGE déclinent ces grandes orientations sur un territoire plus restreint et les adaptent aux enjeux locaux.

 

Quand la mer monte, j’ai honte (12) : passer sous silence l’élévation du niveau de la mer et les risques de submersion marine serait inconvenant à une période où les spécialistes nous alertent constamment, et relayés par les médias. Entre 1901 et 2018, la hauteur moyenne mondiale a augmenté de 20 cm. L’évaluation pour 2050 serait de 30 cm et l’aggravation et l’accélération sont à craindre. C’est dû à la conjugaison de plusieurs perturbations. Le réchauffement climatique fait grimper la température de l’eau des mers et des océans, donc son volume (voir le graphique ci-dessous), mais aussi sur la fonte des neiges et de la banquise. Le septième continent désorganise considérablement l’évaporation sur 3,5 millions de km2 soit une superficie égale à six fois celle de la France. Par ailleurs, lorsque le taux d’humidité de l’air croît, l'évaporation du plan d'eau diminuent.

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11 - https://www.loire-atlantique.gouv.fr

12 - Référence à la célèbre chanson de Raoul de Godewarsvelde. Partez à la découverte de ce chanteur atypique avec sa voix roque inimitable. Il prétendait avoir attrapé un fibrome de comptoir...

Le littoral français est la première destination touristique avec 5 500 km de côtes en métropole, 1 948 km de plages sur 4 façades maritimes, 473 ports de plaisance, 5000 km de chemins de randonnée et 3 000 km d’itinéraires cyclables (13). Les risques écologiques, sociaux et économiques sont colossaux et pour les appréhender, des logiciels de simulations de la montée des eaux en réalité augmentée en trois dimensions permettent de mieux prendre conscience des dangers encourus. À ce jour, les actions ne sont pas à la hauteur des menaces et le temps qui passe n’est pas un allié.

La belle baie : les tempêtes ayant eu raison des défenses naturelles de la baie de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure, Napoléon III ordonna la construction de 3 digues pour lutter contre les assauts des flots (14). Pour sauvegarder le rivage plus au sud, un remblai abrite les maisons du bord de mer et des passerelles permettent aux résidents d’accéder à la plage directement. Cet exemple historique ouvre le champ des possibles sans pour autant déprécier le patrimoine existant, bien au contraire. Toujours au Pays basque, la ville de Biarritz a entrepris des travaux titanesques pour consolider la côte sauvage en agençant des espaces verts et des promenades.

La loi (15) relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral concerne 1 200 communes, des lacs, d’estuaires, de deltas menacés par l’érosion, la submersion et la préservation de la biodiversité.

 

Quelques données statistiques (16)

  • 64 % des Français de métropole habitant dans des lieux propices aux inondations n’ont pas conscience du danger encouru,

  • 6 600 communes en moyenne font l’objet chaque année d’une reconnaissance d’état de catastrophe naturelle,

  • 40,7 milliards d’euros d’indemnités seront versés par les assureurs au titre de la garantie des catastrophes naturelles sur la période 1982-2020,

  • 18,3 millions de Français résident dans des zones susceptibles d’être inondées par un débordement de cours d’eau,

  • 1,5 million de Français sont exposés au phénomène de submersion marine,

  • 10 226 villes sont couvertes par un plan de prévention des inondations (hors submersion marine),

  • 442 localités sont dotées d’un schéma de protection des menaces du littoral,

  • 221 programmes d’actions de prévention des inondations ont été labellisés depuis 2011.

 

L’observatoire national des risques naturels : créé en 2012, à la suite de la tempête Xynthia de 2010, l’observatoire national des risques naturels a notamment pour objectif de concourir au renforcement de la connaissance sur les aléas naturels et leurs conséquences socio-économiques. Cette ambition se concrétise par la mise à jour constante d’une quarantaine d’indicateurs qui couvrent l’ensemble des dimensions des risques naturels (exposition, phénomènes naturels, dommages, prévention). Les travaux d’analyse et de prospective sur ces sujets sont également disponibles.

Conclusions : Désormais, la loi GEMAPI délègue les compétences de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations aux blocs communaux.

Toutefois, ces thématiques attirent très peu d’élus et c’est bien regrettable, car comme on vient de le voir, elles renforcent le confort et la sécurité de nos concitoyens, protègent l’habitat et les équipements tertiaires et industriels. Avoir supporté une inondation dans son existence légitime la sensibilisation à leurs effets préjudiciables.

La mémoire collective et l’historique permettent de bien comprendre ces phénomènes naturels envers lesquels il est impossible de résister. En revanche, l’évaluation de la vulnérabilité sociale, physique et économique est de notre responsabilité et consiste à les diminuer, ou les supprimer en adoptant les dispositions appropriées. La clairvoyance, la lucidité et le courage sont des atouts indispensables pour prendre les décisions appropriées, mener les actions en conséquence et en mesurer l’efficacité à court, moyen et long terme.

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13 - Données fournies par le site www.entreprises.gouv.fr

14 - Données recueillies sur le site www.saint-jean-de-luz.com

15 - Loi promulguée le 3 janvier 1986 et la loi ELAN modifie les articles 42 à 45.

16 - Données fournies par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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